Bhagavan Arishtanemi- 22

Les vies authentiques des vingt-quatre Tirthankars

BHAGAVAN  ARISHTANEMI – 22

L’être qui devait devenir Bhagavan Arishtanemi était, dans son incarnation antérieure, Shankh, le fils aîné du roi Shrishen d’ Hastinapur. Un jour, plusieurs citoyens et voyageurs vinrent informer le roi que les routes proches d’Hastinapur et des environs étaient terrorisées par des bandits et des contrebandiers. Aucun voyageur, aucun villageois n’étaient à l’abri de l’attaque des bandits. Le vol et le meurtre devenaient quotidiens. Les citoyens demandèrent au roi de les protéger. Le roi délégua le prince Shrankh pour aller punir les bandits.

 Le Prince Shankh était un diplomate accompli et un stratège. Il  fit le plan de mener sa campagne de façon à appréhender le chef des bandits, sans effusion de sang. Alors qu’il était sur le chemin, il entendit le cri au secours d’une jeune princesse enlevée par un Vidyadhar (un dieu inférieur). Le Prince Shankh provoqua le Vidyadhar. Il le défit et sauva la princesse Yahshomati. Lorsque ces jeunes gens se virent ils tombèrent amoureux et se marièrent. Le moment venu, le Prince Shankh monta sur le trône.

Alors qu’ un savant ascète visitait Hastinapur, le roi Shankh alla le voir et lui demanda : « Pourquoi suis-je si amoureux d’Yashomati que tous mes désirs de renoncement n’aboutissent à rien ? ». L’ascète répondit : «  Vos liens matrimoniaux sont profonds de plusieurs temps de vie. Vous avez été mariés l’un à l’autre pendant six vies antérieures, c’est la septième naissance. Telle est la raison d’un sentiment d’amour si intense et si profond entre vous »..

Le roi demanda « Quand ces liens seront-ils brisés ? ».

Le savant ascète répondit : « Dans votre neuvième incarnation, vous naîtrez comme Neminath et elle comme Rajimati. Dans cette naissance, vous serez capable de rompre ce lien amoureux et de devenir le vingt-deuxième Tirthankar. Rajimati vous suivra sur le chemin du renoncement et sera libérée ».

La naissance comme Arishtanemi

Sachant cela, Shankh eut un sentiment profond de détachement. Il donna son royaume à son fils et se fit ascète. Du fait de ses pratiques spirituelles élevées et de sa profonde dévotion pour « jnan » (la connaissance), il gagna le Tirthankar-nam-et-gotra-karma et se réincarna sous la forme de dieu Aprajit.

Bhagavan Rishabhdev et vingt et un autres Tirthankars étaient nés dans le clan Ikshavku. Le vingtième Tirthankar Munisuvrat dans le clan Harivamsh. Le grand roi Vasu était aussi du clan Harivamsh. Longtemps après, ce clan vit un autre illustre roi Sauri qui fonda la ville célèbre de Sauripur. Sauri avait deux fils Andhak Vrishni et Bhog Virshni. Andhak Vrishni eut dix fils, l’aîné était Samudravijay et le plus jeune Vasudev.

L’être qui était Shankh descendit, de la forme des dieux Aparajit, dans le sein de la reine Shiva Devi, la femme du roi Samudravijay de Sauripur. Les quatorze grands rêves indiquaient que cet  être deviendrait un Tirthankar. Le cinquième jour de la moitié brillante du mois de « shravan » (juillet/ août), la reine Shiva Devi donna naissance à un fils. Comme c’est la coutume, 56 déesses des directions arrivèrent et effectuèrent la célébration de la naissance après la purification rituelle.

Durant la cérémonie de la dation du nom, le roi fit savoir que, puisque la reine avait vu un disque avec des pierres arishta, le nouveau-né s’appellerait « Arishtanemi ».

Vasudev, le plus jeune frère du roi Samudravijay était une personne charmante et belle. Sa reine la plus ancienne avait un fils nommé Balram (Padma) et sa jeune reine Devaki un fils nommé Shrikrishna. Balram et Shrikrishna furent les neuvièmes Baldev et Vasudev.

A ce temps là, toute l’Inde centrale était devenue troublée, en raison des conspirations entre différents royaumes. Le cruel Kamsa et l’oppressif Jarasandh (le Prativasudev) étaient les pires des ces partis en conflit. Pour s’écarter de ces problèmes quotidiens, et sur l’avis d’un astrologue, le clan Yadav, comprenant Samudravijay, Vasudev, Ugprasen, Shrikrishna etc. migrèrent de Mathura Sauripur à la côte occidentale. Shrikrishna construisit la grande et belle ville de Dwarka, sur le bord de la mer et près de la montagne Raivatak (Girnar). Sa grande architecture et sa puissante fortification la firent divinement belle et inexpugnable.

Le pouvoir et l’habileté d’Arishtanemi

Un jour, alors qu’il errait alentours, le jeune Arishtanemi atteignit la salle d’armes de Vasudev Shrikrishna. Voyant les armes divines, il prit d’abord le sudarshan chakra (le disque de combat) avec curiosité et le fit tourner pour jouer. Il prit ensuite l’arc géant, sarang, et il le banda, comme si c’était une canne fine. Après cela, il prit la conque panchajanya, la porta à ses lèvres et souffla fortement. Le son perçant émanant de la grande conque retentit dans la ville. Shrikrishna courut à l’armurerie. Voyant Arishtanemi jouer avec les armes géantes et lourdes appartenant à Vasudev, il fut étonné et il demanda « Nemi ! Avez-vous soufflé dans la panchajanya ? » Nemi répondit innocemment « Oui ! Frère ! Elle est si mignonne que je n’ai pas pu me retenir ».

Shrikrishna savait que ses armes étaient au-delà de la capacité et de la force de n’importe quel guerrier dans le monde. Il fut, à la fois, étonné et content que son jeune cousin fut si fort et puissant. Désirant tester plus avant l’énergie de Nemi, il l’invita au gymnase pour une épreuve de force amicale. Tout d’abord, il leva son bras et le tint droit en demandant à Nemi de le baisser. Nemi, sans effort apparent, força le bras de Shrikrishna à se baisser. Après cela, Nemi leva son bras et Shrikrishna, en dépit de sa puissance, ne put pas le faire baisser. Il mit même tout son poids sur le bras tendu mais comme si c’était une poutre en acier, le bras de Nemi ne bougea pas même d’une fraction de pouce.

Shrikrishna était très content de savoir la force sans précédent de son cousin. Il pensa que ce grand individu, beaucoup plus fort que lui, était capable de devenir un Chakravarti, mais comment pouvait-il devenir un Chakravarti, s’il ne changeait pas son attitude de détachement pour toutes les activités du monde ?  Shrikrishna formula un plan. Il demanda à Nemi de se marier et d’entreprendre une vie de famille. Nemi ne montrait encore aucun intérêt. Shrikrishna consulta alors ses reines et organisa une fête de printemps. Les dames attirèrent Nemi Kumar jusqu’à un étang pour des jeux d’eau. Là, elles employèrent tous leurs talents pour  le persuader  de se marier. Shrikrishna le lui demanda aussi une fois de plus. Nemi sourit et les regarda pensif. Avec sa connaissance divine, il se rendit compte que c’était la célébration du mariage qui le mettrait sur la voie de la libération. Aussi, il ne s’opposa plus à la proposition. Son silence fut pris comme un signe d’approbation et il fut joyeusement annoncé que Nemi Kumar avait finalement accepté de se marier.

Shrikrishna chercha un bon parti. Une de ses reines, Satyabhama, déclara que sa jeune sœur belle et délicate, Rajul, conviendrait parfaitement à Nemi Kumar. Shrikrishna finalisa tous les arrangements. A la date convenue, la procession du mariage partit avec Nemi Kumar monté sur un bel éléphant décoré. Tous les rois et tous les princes du clan Yadav se joignirent à la procession avec leurs atours royaux et leur suite. Lorsque la procession approcha de la destination, Nemi Kumar vit que, sur le côté de la route, il y avait un grand enclos  et des cages pleines d’animaux et d’oiseaux qui gémissaient. Rempli de compassion et de sympathie, il demanda au conducteur de l’éléphant pourquoi ces animaux et ces oiseaux étaient ainsi enfermés. Le conducteur l’informa que ces créatures étaient réunies pour être tuées afin de servir de viande au grand nombre d’invités au mariage.

 Nemi Kumar fut  rempli de désespoir et de sentiment de détachement. Il dit au conducteur de l’éléphant :« Si je donne mon accord à être la cause de la mise à mort de tant d’êtres vivants ma vie et la suivante seront remplies de souffrance et de malheur. Aussi, je ne veux pas me marier. Arrangez-vous, immédiatement, pour que toutes ces créatures soient relâchées. Retournez et dirigez-vous pour Dwarka ! ». Le conducteur le regarda avec étonnement. Nemi dit « C’est un ordre ! ».

 Le conducteur alla ouvrir les portes des espaces clos et des cages. Les animaux sautèrent et s’en allèrent dans la jungle. Ils étaient sauvés de la torture de la mort. Le conducteur revint et fit retourner l’éléphant vers Dwarka. Sur la route, Nemi Kumar ôta tous les ornements et les choses précieuses qui étaient sur son corps et les remit au conducteur de l’éléphant.

La nouvelle causa la panique dans la procession du mariage. Tous les anciens du clan Yadav essayèrent de faire changer d’idée Nemi Kumar, mais en vain. Même Shrikrishna ne put pas le dissuader de sa détermination. Nemi Kumar dit aux anciens :«  De même que tous ces animaux sont prisonniers dans les cages, nous tous sommes prisonniers dans les cages du karma, qui est plus fort que ces clôtures. Voyez le sentiment de joie évident chez les animaux relâchés des cages ! Sachez que le bonheur c’est la liberté, non l’esclavage. Je veux marcher sur la voie qui brise cet esclavage du karma et embrasser la béatitude éternelle. S’il vous plait, ne m’arrêtez pas ! »

 Lorsque Rajimati, parée comme une fiancée, apprit l’acte de Nemi Kumar, elle ne put pas supporter la douleur du chagrin et elle s’évanouit sur le coup. Revenue à elle, elle se mit à crier et à perdre de nouveau conscience.

Après une charité d’une année, Nemi Kumar s’assit dans un palanquin nommé Uttarkuta, et, passant par la ville de Dwarka, arriva dans le jardin Raivatak. Il alla sous un arbre ashoka et s’arracha cinq poignées de cheveux, puis il jeta tous ses ornements et sa tenue royale. Il devint un ascète, avec un millier de personnes, le sixième jour de la moitié brillante du mois de « shravan » (juillet/ août). Shrikrishna fut profondément touché par ce qui était arrivé ; il bénit son plus jeune cousin et lui souhaita plein succès dans sa mission.

L’Arhat Neminath passa cinquante-quatre jours dans des pratiques profondément spirituelles et alla sur la colline Vijaynat (Girnar). Le quinzième jour de la moitié sombre du mois d’ « ashvin » (septembre/octobre), dans l’après-midi, il observa un jeûne de deux jours. Il méditait sous un arbre bambou, lorsqu’il devint un omniscient. Etablissant l’organisation (tirth) de la religion quadruple, il devint le vingt-deuxième Tirthankar.

Lorsque Rajimati fut guérie de sa mélancolie, elle décida de suivre la voie prise par Neminath. Le Prince Rathnemi, le plus jeune frère de Neminath, essaya de son mieux de séduire Rajimati. Mais il ne put pas la distraire de son but. Lorsque Rajimati  apprit que Neminath était devenu un omniscient, elle alla à son samavasaran, avec de nombreux amis, et elle reçut la diksha. Elle se perdit en pénitences et autres pratiques spirituelles et, à la fin, fut libérée.

Des histoires d’un grand nombre d’ascètes réputés contemporains de Bhagavan Arishtanemi sont des pierres précieuses qui brillent dans le tas des écritures jaïnes. Certains noms des plus éminents sont l’enfant ascète Gajasukumar, le grand ascète Dhandhan Rishi, Thavaccha-Putra Sharman, etc.

Bhagavan Arishtanemi fut libéré à l’âge de mille ans, le huitième jour de la moitié brillante du mois d’ « ashadh »(juin/ juillet).

Un certain nombre d’historiens acceptent le fait que Arishtanemi, le cousin de Shrikrishna, a été une figure historique qui a contribué grandement au végétarisme, à la compassion et à l’Ahimsa. C’est là un point sur lequel la préhistoire jaïne fusionne avec l’histoire.