Les cultes

 Les Jaïns qui pratiquent le culte des statues s’inclinent devant et allument une lampe en face d’elles. Pour nombre d’entre eux, c’est une façon idéale de commencer la journée.

     Les formes de cultes plus élaborés (pujas) constituent des rites journaliers habituellement réalisés dans un temple. Dans ces cas, l’adepte dit en entrant « Namo Jinanam !» (Je salue respectueusement le Jina !). Il prononce ensuite trois fois « nisihi ! » pour indiquer qu’il éloigne sa pensée des affaires du monde, puis il peut faire trois fois le tour de la statue. Les membres de certaines sections jaïnes ne pratiquent pas le culte des statues des Jinas. Ils préfèrent la méditation et les prières silencieuses.

    Le culte jaïn (puja) peut prendre de nombreuses formes. Le rite du bain de la statue (snatra puja) symbolise celui du Tirthankara nouveau-né fait par les dieux (les êtres célestes). Un autre acte symbolique simple est celui de toucher son front avec le liquide utilisé pour le bain de la statue. Ce bain a lieu, aussi, dans la « pancha kalyanaka puja » qui commémore les cinq grands évènements de la vie des Tirthankaras, à savoir : sa conception, sa naissance, son renoncement au monde, son omniscience et sa libération (moksha). L’ « antaraya karma puja » est une autre pratique comprenant une série de prières destinées à ôter les karmas qui empêchent le pouvoir de l’âme de s’élever spirituellement. Un long rituel dans le temple, qui peut prendre trois jours à réaliser, s’ appelle l’« Arihanta puja ». Il est destiné à marquer son respect aux Arihantas ou Arhats i.e. aux Tirthankaras. Ce rite est centré sur le « siddhachakra » qui est un disque en forme de lotus sur lequel figurent, chez les Svetāmbaras : l’Arhat, l’âme libérée, le maître religieux, l’Acharya et le moine (les cinq êtres vénérables) ainsi que les quatre qualités de perception, de connaissance, de conduite et d’austérité pour élever l’âme.

    Dans le Jaïnisme, la vénération n’est pas faite à un Dieu éternel et éternellement pur, mais aux grands êtres qui ont réalisé leur idéal élevé et atteint la Divinité par eux-mêmes. Il n’existe pas, non plus, d’offrandes (de nourriture ou d’autres choses), ni de prières à la Divinité, pour en recevoir des faveurs.

    Le Jaïn pieux qui vit à proximité d’un temple peut effectuer, chaque jour, la vénération de la statue du Tirthankara dans le sanctuaire, en allant à son travail. Il peut aussi faire cette vénération chez lui devant une petite chapelle. Après avoir pris un bain et s’être habillé éventuellement de deux morceaux d’étoffe, comme un moine, il s’incline devant la statue et  récite le Navkar Mantra. Il peut faire le tour de la statue trois fois (qui dans un temple jaïn est placée en avant du mur arrière). Il peut aussi baigner la statue avec de l’eau et du lait et un mélange de bois de santal et de safran. Cela peut être fait par un pujari dans le temple. Bien que les femmes prennent une part active aux rites jaïns, leur rôle est assez simplifié.

    Différentes offrandes peuvent ensuite être effectuées devant la statue. Des grains de riz sont arrangés dans la forme symbolique d’un swastika (qui indique les quatre sortes possibles de renaissances comme être céleste, humain, être à vie plus basse ou créature de l’enfer). Après cela, l’adepte met trois points au-dessus qui représentent les « trois joyaux » de la Foi juste, de la Connaissance juste et de la Conduite juste) et au-dessus un dernier point, dans un croissant, pour marquer le lieu de séjour final des âmes libérées. Les autres offrandes peuvent être des fleurs, de l’encens, des fruits et des douceurs suivant les pratiques diverses. Après d’autres prières, le Navkar Mantra est répété. Ensuite, l’adepte peut réaliser le « chaitya vandana » qui comprend des prières spéciales dans le temple et des salutations. Ce rite commence par une formule de repentir pour tout le mal qui a pu être causé à des êtres vivants en se rendant au temple, des salutations suivent aux vingt-quatre Tirthankaras et à tous les moines et à toutes les nonnes. Suivent ensuite l’énumération des vertus et des bonnes actions de tous les Tirthankaras et l’expression du désir de les imiter. Dans ses dévotions, le fidèle (la fidèle) ne cherche pas une faveur terrestre mais voit le Jina comme un exemple divin à respecter et à suivre. Le culte s’achève par la belle cérémonie de l’arati, l’agitation de la lampe ou du plateau à cinq lumières devant la statue. Celle-ci est naturellement une représentation symbolique du Tirthankara et en aucun cas un dieu vivant. Néanmoins, il est nécessaire pour le fidèle de marquer quotidiennement son attention et sa vénération à une statue qui a été  consacrée (pour celui qui pratique la vénération des statues, bien sûr).

    Une beauté spéciale est reconnue aux rites par la langue dans laquelle ils sont réalisés. L’« ardhamagadhi » était la langue de l’ancienne région du Magadha, au nord-est de l’Inde, où a vécu Mahavira. C’était la langue familière des gens, un « prakrit » ou langage populaire, distinct du Sanskrit classique des érudits orthodoxes. Bien qu’il ne soit plus parlé, l’ardhamagadhi est utilisé, encore aujourd’hui, dans les prières et les rites jaïns, non seulement pour sa splendeur sonore mais aussi parce que, quelle que soit sa langue maternelle, le Jaïn peut ainsi suivre les prières et les chants habituels. Chaque adepte doit avoir appris, dans son enfance, au moins quelques récitations. Il peut ainsi participer, dans le temple, aux prières d’autres Jaïns avec lesquels il ne partager pas une langue moderne commune.