Les austérités

Austérité signifie : restriction, ce qui est fait volontairement pour renoncer à certains conforts corporels pour discipliner l’esprit des passions et des plaisirs. Les austérités jaïnes sont effectuées à différentes occasions et de diverses façons. Toutes ont leur caractère exceptionnel propre. Elles peuvent être réalisées à deux niveaux : physique ou mental.

Sous la forme physique, la personne réalise l’austérité, mais elle n’a pas le désir intérieur de changer sa vie, c’est seulement un acte matériel. Sous la forme mentale ou psychique, la personne contrôle ses désirs intérieurs en effectuent un acte matériel. A moins que les austérités soient effectuées sous la forme psychique, elles ne produisent pas les résultats les plus utiles. Après tout, le but essentiel des austérités n’est pas simplement juste de faire souffrir le corps mais de changer les désirs. Il arrive, parfois, que la personne soit sur la voie de l’élévation spirituelle. L’austérité est alors une partie de la conduite juste.

Les austérités sont classées en deux groupes : externes et internes. Les austérités externes (bahyantaras) sont remarquées par les autres, parce qu’elles ont une plus grande forme physique que psychique. Les austérités internes (abhyantaras) ne sont pas remarquées par les autres, parce qu’elles ont une plus grande forme psychique ou mentale que physique.

On divise encore chacune de ces deux sortes d’austérités en six types.

Les austérités externes sont : 

1) le jeûne absolu (anasana). Le mot anasana signifie jeûner en renonçant à la nourriture et à l’eau pendant un ou plusieurs jours ou toute la vie. Un jour de jeûne total est appelé upavasa. Jeûner de façon absolue jusqu’à la mort est réalisé lorsque la vie est proche de la fin. Un tel jeûne est considéré comme très favorable et est appelé anasana physique. Le bhava anasana concerne le contrôle total des désirs intérieurs pendant un temps plus ou moins long. Si cette austérité est cultivée, alors on est capable de faire des efforts pour l’élévation spirituelle,

2) le jeûne partiel (unodaria). Le mot unodaria signifie manger moins qu’à sa faim. Le jaïna dharma prescrit trente-deux poignées de nourriture par jour. Pour réaliser l’unodaria on peut manger un nombre de poignées inférieur au montant prescrit. Le bhava unodariasignifie de limiter ses désirs jusqu’à un certain point. Il peut être plus difficile de faire cela que de les contrôler totalement, mais une fois commencé on est capable de limiter ses désirs pour les choses dans la vie quotidienne,

3) la limitation du nombre de choses qui nourrissent (vruti sankshepa). Dans ce cas, on met une limite au nombre de choses que l’on peut manger durant un repas ou durant toute la journée. Le bhava vruti sankshepa signifie de limiter ses désirs pendant une partie de la journée ou toute une journée. Cette austérité aide à contrôler ses désirs de façon que l’esprit évite de vagabonder,

4) la limitation de la nourriture savoureuse. (rasa parityaga) Dans ce cas, on renonce aux mets savoureux que l’on aime beaucoup. Cette restriction peut être partielle ou totale, pendant un temps limité ou pendant une période prolongée.  Le bhava rasa parityaga est plus difficile à réaliser que les autres austérités, parce que là on limite ses pensées les plus désirées. Une austérité de cette nature aide à contrôler ses passions, même dans les situations les plus tentantes.

5) l’endurance corporelle (kayaklesha). Dans ce cas, on reste debout ou assis dans une posture particulière pendant une longue période de temps. Cette austérité peut causer de la souffrance, mais on doit l’ignorer. Dans le bhava kayaklesha on reste ferme dans le contrôle des passions, même si la tentation est grande.

6) le contrôle des sens (pratisanlinata). Dans ce cas, on contrôle tous ses sens pour éviter les tentations agréables et désagréables. Pour effectuer cette austérité on peut rester isolé pendant une nuit ou plus. Dans le bhava pratisanlinata on se contrôle pour ne pas mentir, pour ne pas dire des choses fausses ou ne pas participer à des activités sensuelles. Ainsi, cette austérité aide à contrôler les passions, comme la colère, l’orgueil, la tromperie et l’avidité.

Les austérités internes sont :

1) la repentir (prayaschita). Dans ce cas, on demande pardon pour les diverses erreurs que l’on a faites et pour les omissions, les fautes et les péchés que l’on a commis sciemment ou non. Cette austérité peut être réalisée en présence d’un moine ou d’une nonne ou seul. Elle aide à réfléchir sur soi, pour se corriger. Même pour une petite faute, on commence par dire « Michchami Dukkadam »,

2) l’humilité (vinaya). Dans ce cas, on doit cultiver l’humilité envers tout le monde. Cette austérité conduit à la tolérance et à la sympathie envers les autres. Elle aide à maîtriser l’ego et la colère. On en distingue quatre sortes :

jnana vinaya – on doit être humble et respectueux envers ceux qui sont, en connaissance et en sagesse, supérieurs à nous,

darshana vinaya – on doit être humble et respectueux envers ceux qui ont acquis la perception juste des  principes religieux,

charitra vinaya – on doit être humble et respectueux envers ceux qui ont une bonne moralité et qui suivent les principes religieux,

mana vinaya – on doit témoigner du respect et être humbles envers tous les saints qui aident les autres dans leur élévation spirituelle.

3) le service des autres (vaiyavachcha). Dans ce cas, on doit servir avec dévotion les maîtres  religieux, les ascètes, les gens vertueux, les sādhus, les collègues et les compagnons. On doit spécialement rendre service aux malades et aux faibles. Bien qu’il semble que cette austérité soit une activité externe, elle rend une personne humble et elle aide à maîtriser l’ego et la haine,

4) l’abandon (viutsarga). Dans ce cas, non seulement on abandonne les activités physiques coupables mais encore seize passions internes différentes,

5) l’étude spirituelle (svadhyaya). Dans ce cas, on étudie les écritures ou l’on comprend le soi. Par les écritures on essaye de répondre aux questions : Qui suis-je ? Que devrais-je être ? Par le svadhyaya on comprend que le soi est une chose pure. Cela conduit à réfléchir à la question : que fais-je dans ce corps ? Ainsi, cette étude conduit à être une âme pure. Cette étude est divisée en cinq niveaux :

lorsque l’on commence à lire les écritures cela s’appelle vachana,

en lisant, certains doutes peuvent naître, et essayer de les solutionner s’appelle prachana,

après avoir compris ce qui est juste et avoir médité dessus cela s’appelle anupreksha,

après s’être rendu compte de ce qui est juste, on doit méditer dessus encore et encore de façon à rester au point. Cette répétition est appelée amnaya,

après avoir appris que le soi est un, on doit l’enseigner aux autres. Cela s’appelle dharmopadesha.

Toutes les études ci-dessus sont externes, mais elles conduisent à l’étude interne du soi. Ainsi, on acquiert la perception juste et la connaissance juste qui mènent à la conduite juste et qui ouvrent la voie de la libération définitive.

6) la méditation (dhyana). Dans ce cas, il s’agit de la concentration de la pensée. Celle-ci peut naître de passions intenses, comme l’attachement, la luxure ou l’animosité, ou de la recherche de la vérité et du détachement absolu des affaires du monde.

La méditation est divisée en quatre catégories : artha dhyanaraudra dhyanadharma dhyana et shukla dhyana.

Dans l’arta dhyana, ( la méditation pénible), la personne médite sur 1) la perte d’êtres chers (ishta viyoga), 2) une nouvelle relation avec une personne indésirable ou déplaisante (anishta samyoga), 3) une souffrance physique (roga chinta) et 4) un projet futur (agrasocha ou nidanartha).

Dans la raudra dhyana, ( la méditation malfaisante) on est absorbé à prendre une revanche totale sur un dommage ou une perte causée par d’autres. Il y a quatre sortes de raudra dhyanas, qui sont :himsanubahndhi (penser à faire du mal), mrishanubandhi(penser à dire un mensonge), steyanubandhi, (penser à voler) et samrakshanubhandhi (penser à amasser de la richesse).

L’arta dhyana et la raudra dhyana provoquent l’accumulation de mauvais karmas ; il faut donc les éviter.

Dans la dharma dhyana (la méditation morale) on réfléchit aux voies et moyens de la réalisation de soi.

Dans la shukla dhyana (la méditation pure) on médite sur la pureté de l’âme.

La dharma dhyana et la shukla dhyana aident à ôter les karmas. Par conséquent, pour le nirjara (l’enlèvement graduel des karmas) on doit  les pratiquer. Si la méditation sur la dharma dhyana est au niveau le plus haut on peut complètement détruire le mohaniya karma (le karma qui trompe) et dans les 48 minutes qui suivent sa destruction , le jnanavaraniya karma (le karma qui fausse la connaissance), le darshanavaraniya karma (le karma qui fausse la perception) et l’antaraya karma (le karma obstructif) sont aussi détruits et l’on devient un kevali (un omniscient).

Les autres austérités (tapasyas).

Il y a un certain nombre d’autres austérités externes courantes. Ce sont :

  1. navakarsi, qui consiste à ne s’alimenter ou à boire qu’après le lever du soleil. Même le brossage des dents et le rinçage de la bouche doivent être effectués après le lever du soleil,
  2. porasi qui consiste à ne s’alimenter ou à boire que trois heures après le lever du soleil,
  3. sadha-porasi qui consiste à ne s’alimenter et à boire que quatre heures et trente minutes après le lever du soleil,
  4. purimuddha qui consiste à ne s’alimenter ou à boire que six heures après le lever du soleil,
  5. avadhdha qui consiste à ne s’alimenter et à boire que huit heures après le lever du soleil,
  6. biyasana qui consiste à s’alimenter deux fois par jour en s’asseyant en un seul lieu pour manger,
  7. ekasana qui consiste à ne manger qu’une fois en s’asseyant en un seul lieu,
  8. ayambil qui consiste à ne s’alimenter qu’une fois assis en un seul lieu. La nourriture ne doit n’avoir pas de goût, pas d’épices et être bouillie ou cuite. On ne doit aussi ne pas consommer de lait, de caillés, de ghee, d’huile et de légumes verts ou crus,
  9. upavasa qui consiste à ne prendre aucun aliment pendant 24 heures partant du lever du soleil au lever du soleil du jour suivant,
  10. tivihara upavasa qui consiste à ne boire que de l’eau bouillie durant l’upavasa,
  11. chauvihara upavasa qui consiste à ne même pas boire de l’eau durant l’upavasa,
  12. tivihara qui consiste a ne prendre ni nourriture, ni jus après le coucher du soleil, mais il est possible de boire de l’eau seulement jusqu’au lever du soleil du jour suivant,
  13. chauvihara qui consiste à ne prendre ni alimentation, ni eau jusqu’au lever du soleil du jour suivant,
  14. chhatha qui consiste à pratiquer l’upavasa deux jours consécutifs,
  15. attham qui consiste à pratiquer l’upavasa trois jours consécutifs,
  16. atthai qui consiste à pratiquer l’upavasa huit jours consécutifs,
  17. masakshamana qui consiste à faire des upavasas successifs pendant un mois,
  18. navapad oli qui consiste a faire l’ayambil chaque année, pendant neuf jours commençant le 6/7 ème jour de la quinzaine lunaire brillante et finissant à la pleine lune des mois d’Ashwina (Septembre/Octobre) et de Chaitra (Mars/Avril). Ce jeûne est répété pendant les quatre années et demie qui suivent. Ces ayambils peuvent aussi être restreints à seulement une sorte de nourriture de graines, chaque jour,
  19. varshitapa, vardhaman et visasthanaka tapa, etc. 

Pendant l’ekasana, le biyasana, l’ayambil ou les upavasas on boit de l’eau bouillie seulement et cela uniquement entre le lever et le coucher du soleil. Si on le peut, il vaut mieux faire un chauvihara ou un tivihara la nuit, avant de commencer ces austérités. Si ces austérités permettent de s’alimenter, il ne faut pas manger de végétaux crus, de racines et des grains crus, en les effectuant.